LES IMMATRICULATIONS MILITAIRES DE 1946 à 1959

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Les immatriculations des véhicules militaires de 1946 à 1959


Les immatriculations des véhicules militaires de 1946 à 1959

Le système d’immatriculation en vigueur dans les Armées françaises à compter de 1960 demeure assez simple dans son explication du fait de la logique appliquée. Ce procédé a d’ailleurs été prolongé en 1980 lors du passage aux numéros à 8 chiffres.
Pour autant, le système mis en place en 1947 est beaucoup plus complexe. Au regard :

- des  tâtonnements et hésitations dues aux numérotations adoptées à la fin du conflit depuis le rééquipement des forces en Afrique à compter du mois de janvier  1943, suite aux accords d’Anfa ;
- La  volonté d’accorder une numérotation spécifique à chaque armée (Terre, Air, Mer) ;
- la nécessité d’enregistrer des véhicules perçus dans le cadre du Pacte d’Assistance mutuelle (P.A.M ou MDAP en anglais) directement en Indochine où les débuts de la décolonisation donnent leurs premiers conflits armés ;
- Le prolongement de la décolonisation en Algérie notamment et dans toute la zone « Afrique » en général
les cas de figure sont multiples et les particularités nombreuses.

On peut finalement distinguer pour les véhicules terrestres quatre systèmes d’immatriculations différents mais contemporains, ayant des bases plus ou moins communes :
- Les immatriculations dans la série des 400 000 ;
- Les immatriculations spécifiques au conflit en Indochine ;
- Les immatriculations à six chiffres sous la forme de deux groupes de trois chiffres XXX XXX  pour l’Armée de Terre, l’Armée de l’Air et la Marine ;
- Les immatriculations spécifiques aux unités d’Infanterie de Marine stationnées dans les zones Outremer.




Les immatriculations dans la série des 400 000

Au terme du second conflit mondial, l’ensemble des matériels roulants perçus par les forces françaises depuis leur rééquipement à compter de janvier 1943 jusqu’à la fin de l’année 1946, est numéroté dans la série des 400 000. Ainsi on trouve des jeeps bien sûr, des DODGE, des GMC, des Half-track, des Diamond T, des Sherman, etc… ornés d’une immatriculation de la même série.

(images issues du web)

Ces matériels perçus par lots complets se succédaient dans la série sans distinction de tonnage, d’emploi ou de destination. On peut noter toutefois que les numéros étaient attribués par unités lors de la perception des lots de matériels. Il n’est donc pas surprenant de voir des numéros consécutifs au sein d’une même unité sur les différents engins utilisés.
Ce système suffisait à référencer l’ensemble des matériels perçus durant le conflit mondial mais allait s’avérer trop réducteur dès le conflit Indochinois. En effet, beaucoup de matériels roulants sont livrés directement dans les ports Indochinois. Il est urgent de trouver une numérotation efficace donnant plus de marges sur chacune des catégories de matériels.
Une solution est trouvée en Indochine, dès 1946.

Les immatriculations spécifiques au conflit en Indochine

Devant l’afflux massif de matériels, le commandement de la Division d’infanterie Coloniale en place en Indochine décide de numéroter les véhicules par une série de 5 chiffres précédés des lettres « IC » pour « Infanterie Coloniale ».
Pour rappel, les forces armées (cavalerie, Infanterie, Génie, Transmission, artillerie) depuis la seconde guerre mondiale sont regroupées au sein des divisions d’infanterie. C’est raison pour laquelle on a vu des chars du 1er Régiment de Chasseur, régiment de cavalerie, en Indochine, numéroté avec les lettres IC (ceci n’est qu’un exemple bien sûr parmi d’autres armes).

(image issue du web)

Cette nouvelle numérotation offre des plages d’enregistrement assez vastes à différentes catégories de véhicules. Ainsi, on distingue clairement les catégories suivantes :

- IC 10 000 à IC 29 999 : série consacrée aux véhicules de liaison routière et tout-terrain (jeep, PEUGEOT 203, etc.) ;

(image issue du web)

- IC 30 000 à IC 32999 : série consacrée aux véhicules de transport sanitaire (DODGE WC 54, S7MA51, PEUGEOT 203, etc.) ;

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- IC 33 000 à IC 49999 : série consacrée aux véhicules de transport dont la charge utile est inférieure à 2 tonnes (DODGE WC 51, WC 52, WC 56, WC 57, WC 58, WC 59, WC 62, WC 63, CHEVROLET C15, C30, C60, G7107, etc.) ;

(image issue du web)

- IC 50 000 à IC 59 999 : série consacrée aux véhicules de transport dont la charge utile est inférieure à 4 tonnes (GMC CCKW 353, AFKWX 353, DODGE T 110, etc.) ;

(image issue du web)

- IC 60 000 à IC 69 999 : série consacrée aux véhicules de transport dont la charge utile est supérieure à 4 tonnes (DIAMOND T 968, 970, 972, RENAULT R4152 cargo, etc.) ;

(image issue du web)

- IC 70 000 à IC 71 999 : série consacrée aux véhicules de dépannage (DIAMOND T969, WARD LAFRANCE 1000 série 1 à 4, GMC CCKW 353 atelier, etc.) ;

(image issue du web)

- IC 72 000 à IC 74 999 : série consacrée aux véhicules spéciaux (cartographie, etc.) et amphibies non armés (DODGE WC 63 atelier, GMC DUKW 353) ;

(image issue du web)

- IC 80 000 à IC 89 999 : série consacrés aux véhicules de combat, armés, non blindés (jeeps armées de mitrailleuses parfois multiples, etc.) ;

(image issue du web)

- IC 90 000 à IC 94 999 : série consacrée aux véhicules de combat armés et blindés (char, automitrailleuses) ou armés et amphibies (M29C WEASEL appelés « CRABES », LVT2 ou 4 appelés « ALLIGATOR ») ;

(image issue du web)

- IC 95 000 à IC ……       : véhicules prototypes (ex : Diamond T 968 transformés en tracteur de semi-remorque porte-engin).

(image issue du web)

On parvient à trouver parfois  des DODGE WC 51 blindés dans la série des IC 33 000 à IC 49 999 et des WC 62 blindés dans la série des IC 90 000 à IC 94 999. Ceci tient vraisemblablement au fait que les véhicules en question ont parfois été modifiés directement par les unités utilisatrices en fonction des besoins immédiats. On a vu des DODGE WC 63, ex-camion atelier de dépannage 2ème échelon, transformé en foyer roulant « cinéma ». Un passage en ERGM pour modification aurait inévitablement donné lieu à un changement de série d’immatriculation. Le même raisonnement est applicable aux jeeps qui parfois reçurent des plaques de blindage sans pour autant quitter la première série du système d’immatriculation.


(images issues du web)

Mais ce système donnera les bases de celui adopté pour les véhicules de la métropole.

Les immatriculations à six chiffres de la métropole pour l’Armée de Terre, l’Armée de l’Air et la Marine

Ce système est mis en place à compter de l’année 1947 sur tous les véhicules de la métropole et des colonies (à l’exception bien sûr de l’Indochine en guerre). Il reprend les grandes lignes du système mis en place en Indochine sans toutefois les lettres IC.
Certaines catégories sont modifiées (véhicules de liaison, ambulances) voire abandonnées (véhicules de dépannage, amphibies) ou même fusionnées (véhicules de combat non blindés et blindés).
On trouve ainsi les séries suivantes dont le premier chiffre détermine une catégorie de véhicules bien précise :

- 0xx xxx : cette série concerne les véhicules de liaison tout-terrain ;

(image issue du web)

- 1xx xxx : cette série concerne les véhicules de liaison routier ;

(image issue ouvrage "Véhicules Militaires de 1945 à nos jours" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

- 2xx xxx : concerne les motocyclettes ;

(image issue du web)

- 3xx xxx : concerne les véhicules sanitaire routiers et tout terrain ;

(image issue ouvrage "DODGE Sur les voies de la liberté" de J.M BONIFACE)

- 4xx xxx : concerne les véhicules de transport d’une charge utile inférieure à 2 tonnes ;

(image issue du web)

- 5xx xxx : concerne les véhicules de transport d’une charge utile inférieure à 4 tonnes ;

(image issue du web)

- 6xx xxx : concerne les véhicules de transport d’une charge utile supérieure à 4 tonnes ;

(image issue ouvrage "Véhicules Militaires de 1945 à nos jours" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

- 7xx xxx : concerne les véhicules tracteurs de semi-remorques, tracteurs d’artillerie et les tracteurs agricoles ;

(image issue ouvrage "Véhicules Militaires de 1945 à nos jours" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

- 8xx xxx : concerne les véhicules blindés de combat à roue et à chenille ;

(image issue du web)

- 9xx xxx : concerne les prototypes.

(image issue ouvrage "Véhicules Militaires de 1945 à nos jours" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

Le second chiffre détermine en général l’Armée d’appartenance. Ainsi le chiffre 3 est caractéristique de l’Armée de l’Air, alors que le chiffre 4 est attribué à la Marine.
Mais les chiffres 3 et 4 se retrouvent aussi dans les numérotations de l’Armée de terre. C’est aussi la raison pour laquelle, il est apposé sur chaque plaque d’immatriculation l’emblème de l’armée d’appartenance.
L’Armée de l’Air a donc apposé son premier emblème constitué d’une cocarde tricolore ailée. Ce logo fut remplacé vers la fin des années 50 par le drapeau tricolore orné des ailes dorées rappelant le brevet de pilote.
La Marine a apposé dans un premier temps le drapeau tricolore avant la série de six chiffres puis une ancre blanche qui se détachait sur le fond noir de la plaque. Un nouveau logo fut adopté vers le fin des années 50, constitué du drapeau tricolore orné d’une ancre noire.
La Gendarmerie a tout d’abord disposé le drapeau tricolore et une grenade blanche placée soit avant, soit après la série de six chiffres. Le logo fut revu comme tous les autres et la grenade noire apparue sur le drapeau tricolore vers la fin des années 50. La Gendarmerie n’avait toutefois pas de chiffre spécifique dans la mesure où elle faisait partie intégrante de l’Armée de terre.
L’Armée de l’Air et la Marine ont classé leurs véhicules de liaison tout-terrain dans la catégorie des véhicules de liaison routiers (1xx xxx). Les véhicules de transport d’une charge utile inférieure à 4 tonnes (comme les GMC CCKW 353) ont également été numérotés dans la série des 6xx xxx. Cette catégorie a été remplacée vers le milieu des années 50 par la série des 31x xxx pour l’Armée de l’Air exclusivement.
Attention toutefois, pour identifier l’appartenance d’un véhicule à tel ou tel corps des armées, il convient d’observer le type d’emblème présent sur la plaque d’immatriculation. Certes, le chiffre 3 était attribué à l’Armée de l’Air et la 4 à la Marine. Mais l’Armée de terre a possédé des véhicules arborant aussi les chiffres et 3 et 4 en seconde position. C’est un détail de taille importante lorsque l’on veut identifier un véhicule.
Le reste des chiffres présents sur une plaque désigne le numéro d’ordre d’enregistrement du véhicule par les services du Matériel lors de sa perception.
Rien ne permet aujourd’hui d’affirmer avec certitude que les véhicules reconstruits durant la période 1947-1959 aient pu recevoir une nouvelle immatriculation lors de leur sortie d’ERGM, comme ce sera le cas à compter de 1960 avec le système à sept chiffres.
Dans la catégorie des véhicules ayant une charge utile de moins de 2 tonnes, il semble que les immatriculations soient restées identiques à celles reçues lors de la fin de la seconde guerre mondiale et en 1946. Ces véhicules seraient donc restés avec leur immatriculation en 4xx xxx, malgré les passages en ERGM pour reconstruction ou modification (ex : pré-filtre à air sur l’aile droite des DODGE SAHARA).
Enfin, on trouve quelques erreurs de retranscription de numéros d’immatriculation, très certainement dus à la profusion des systèmes de numérotation.
Fort de ces éléments, on pourrait penser être paré pour identifier n’importe quel véhicule sur n’importe quel document. Mais si l’immatriculation 060 019 représente bien une jeep (Willys MB en l’occurrence), l’immatriculation 311 699 est bien une immatriculation de jeep (une Ford GPW) au même titre que l’immatriculation 810 511 (Willys MB) ! Un 3 ou un 8 en premier chiffre. Pour qui, pourquoi ?

Les immatriculations spécifiques aux unités d’Infanterie de Marine stationnées dans les zones « outremer »

Le temps de la décolonisation est désormais engagé, traduit par le conflit en Indochine. Dès la fin des hostilités en mai 1954 ave la défaite de Dien Bien Phû, la révolte gronde en Afrique du Nord et la guerre d’Algérie ne tarde pas à éclater. Beaucoup d’autre pays relevant alors de l’empire colonial français se trouvent dans une situation complexe, partagés entre le désir d’indépendance et la nécessité d’assurer leur pérennité économique.
Parallèlement, la France qui a intégré le commandement de l’OTAN (qu’elle quittera en 1964 selon la volonté du général De Gaulle) voit ses aides économiques venant des Etats Unis considérablement diminuées. Le ministère de l’Outremer, tout nouveau dans les années 50, se porte acquéreur de nombreux véhicules (dont les DODGE WM300 achetés directement chez Chrysler) pour équiper les troupes installées dans les pays jusqu’ici englobés dans les colonies. On ne parle plus désormais de « Troupes Coloniales » mais de « Troupes de Marine ». Ces troupes, présentent aux Antilles et dans le Pacifique, mais aussi dans l’Océan Indien (Madagascar, Île de la Réunion) et en Afrique (Sénégal, Mauritanie, Togo, Côte d’ivoire, etc.) reçurent des matériels plus ou moins spéciaux arborant des immatriculations spécifiques.
Les anciennes zones coloniales sont alors réparties en plusieurs zones. Ce sont ces zones qui sont désignées par le premier chiffre des immatriculations qui demeurent à six chiffres. On trouve ainsi les immatriculations commençant par :

- 2xx xxx : désignant les véhicules des unités implantées en Côte d’Ivoire, au Togo, au Bénin ;

(image issue ouvrage "DODGE cinq générations de tout-terrain" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

- 3xx xxx : désignant les véhicules des unités stationnées au Sénégal, en Mauritanie ;

(image issue ouvrage "La JEEP, un défi au temps" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

- 4xx xxx : désignant les véhicules des unités stationnées au Niger, au Tchad, en Centrafrique ;

(image issue ouvrage "DODGE cinq générations de tout-terrain" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

- 5xx xxx : désignant les véhicules des unités stationnées sur les îles de l’Océan indien ;

(image issue du web)

- 6xx xxx : désignant les véhicules des unités stationnées aux Antilles ;

(image issue ouvrage "La JEEP, un défi au temps" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

- 7xx xxx : désignant les unités stationnées à Djibouti ;

(image issue ouvrage "Véhicules Militaires de 1945 à nos jours" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

- 8xx xxx : désignant les unités stationnées sur les îles de l’Océan Pacifique.

(image issue du web)

Le second chiffre de ces immatriculations outremer semble déterminé par la catégorie du véhicule :

- x1x xxx pour les véhicules de liaison tout terrain et routiers ;

(image issue forum web "ESPRIT de VALMY")

- x2x xxx pour les véhicules radio ;

(image issue ouvrage "DODGE cinq générations de tout-terrain" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

- x3x xxx pour les véhicules de transport sanitaire ;

(image issue ouvrage "Véhicules Militaires de 1945 à nos jours" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

- x4x xxx pour les véhicules ayant une charge utile inférieure à 2 tonnes ;

(image issue ouvrage "Véhicules Militaires de 1945 à nos jours" de J.G JEUDY et J.M BONIFACE)

- x5x xxx pour les véhicules ayant une charge utile inférieure à 4 tonnes.

(image issue du web)

Les véhicules ainsi immatriculés présentaient un emblème particulier avant la série de six chiffres. Cet emblème n’est autre qu’une cocarde tricolore enchâssée sur une ancre de marine. Tous les véhicules arborant cet emblèmes relèvent alors du ministère de l’outremer et sont mis à disposition des unités de l’I infanterie de Marine mais aussi de la Gendarmerie qui ajouta sa grenade sur les plaques, soit entre l’emblème spécifique et la série de chiffres, soit à la fin de la plaque.


(image issue du web)

La décolonisation a connu une brutale accélération en 1960, année durant laquelle, beaucoup de pays obtinrent leur indépendance. L’achat de matériel directement par le ministère de l’Outremer cessa manifestement en 1967. Les véhicules furent à partir de là, soit cédés aux troupes des pays dans lesquels les unités des troupes de Marine étaient installées, soit abandonnés suivant leur état, soit rapatriés voire réaffectés ou peut-être reconstruits comme les autres engins de la métropole.
1960 marque également le passage au système d’immatriculation à 7 chiffres (détaillé dans un tutoriel différent, disponible sur le forum). Les numéros spécifiques à l’Outremer disparurent, du moins dans leur forme à six chiffres. Une hypothèse visant à considérer que le premier chiffre du second groupe de quatre chiffres des nouvelles numérotations mises en place en 1960 puissent désigner les véhicules affectés à l’Outremer. Mais ceci est un autre sujet…

Tableaux récapitulatifs des différentes immatriculations pour la période considérée.

- Guerre d’Indochine

(image issue BESSON)

- Métropole

(image issue BESSON)

- Zones « outremer »